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madame chocolat
25 septembre 2010

Les petites ombres.

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Vivre à Tananarive, c'est vivre au milieu d'une foule de petites ombres fluettes qui s'agrippent à vous, vous tourne autour et vous demande la même chose indéfiniment où que vous vous trouviez. En sortant de voiture, dans les embouteillages, devant le restaurant où vous vous rendez, apprêtée et parfumée. Voilà la petite ombre. J'ai pris le temps d'observer un peu, de parler avec des femmes sensibles, qui vivent ici depuis longtemps et surtout de voir la plupart des réactions que suscite les enfants des rues. Des enfants invisibles pour beaucoup, des nuées de petits corps amaigris que l'on ne voient peut être plus au bout d'un moment. Des petites choses qui ne sont même plus des enfants, juste des nuisibles dans les nuits festives des riches expatriés. J'en vois dormants sur le bord de la route dans le tunnel d'Ambanidia, j'en vois le long des grilles du parc qui mène à Analakely, j'en vois adossés au 4/4 qui m'attends, j'en vois au marché. Ceux du marché ne mendient pas, ils demandent de porter mes courses. On me dit de ne pas donner de mauvaises habitudes, de ne pas cautionner la mendicité et puis j'entends doucement cette femme qui me dit "laisse le porter" avec des yeux plein d'amour et je vois le petit train d'enfants derrière elle qui chemine à bon pas entre les étals des marchants. Chacun avec un petit sac de légumes ou de fruits. Alors je dis oui à la petite ombre et je lui confie mes courses. L'enfant me suit, aussi petit que ma fille, certainement plus vieux, le visage gris, impassible de tant de souffrance. Je pense aux miens, aux visages roses, aux mains lisses et aux pieds crèmés. Je le regarde et lui demande si ça va, puis ma question me retombe dans la tête comme un coup de massue. Il à les pieds croutés, les orteils en sang. Il m'accompagne jusqu'à la voiture et je lui donne un petit billet qu'il froisse dans son poing. Une autre femme me conseille d'avoir toujours dans la boite à gants des petits paquets de biscuits individuel à distribuer et à ouvrir devant l'enfant. Pour qu'il ne puisse pas aller revendre le biscuit. Ces deux femmes sont nées ici et m'apportent beaucoup en peu de mots face aux discours blasés plein de méfiance et de jugements que j'entends depuis 1 mois. Vivre avec les petites ombres et ne pas en devenir une. 

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Commentaires
F
tres joli ce que tu as ecris <br /> <br /> et tellement vrai<br /> <br /> merci
P
Un ouvrage sur le sujet, notamment a Madagascar :<br /> MORELLE Marie, 2007. La rue des enfants, les enfants des rues. Paris, CNRS-Editions, 282 p.
L
en plein coeur, comme l'a écrit CDB ci dessus...
C
Chère Madame Chocolat, très beau témoignage avec pudeur et respect. Tu es très courageuse de livrer tes sentiments avec autant de justesse. Merci pour ce partage, c'est si bon de te lire et d'être l'espace de quelques instant avec toi, là-bas. Bises.
C
Pfiou, c'est dur... et tes enfnats, comment ils le vivent?
madame chocolat
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